Cahier n° 1
Cahier n° 1
QU’EST-CE QUE LE SPIRITISME ?
C’est un besoin profondément humain de vouloir classer le Spiritismedans une branche de l’activité intellectuelle : science, religion,philosophie, éthique ou autre. L’on pourra constater qu’il est biendifficile de le faire. Chacun, selon sa propre inclination, essaie d’y apposer une étiquette sans se soucier de savoir ce qu’en pensent ceux qui lefont, nous voulons dire les Esprits.
On reproche parfois aux spirites de vouloir faire une nouvelle religion. Parexemple, cet auteur catholique, qui écrivait tout récemment :
« Or, toutes les formes d’occultisme n’ont pas la franchise brutale du Spiritisme qui, ouvertement, se présente et s’affirme comme une religion, opposant sa Révélation à celle du Christianisme. Le spirite Arthur Conan Doyle écrivit un livre intitulé La Nouvelle Révélation ».
En lisant ces lignes, on croit rêver : on a l’impression d’être revenu un siècle en arrière. L’autodafé de Barcelone eut lieu en l’an 1861. Une hirondelle ne fait pas le printemps et un livre n’est pas le Spiritisme. Écrire que son enseignement s’oppose au Christianisme, c’est prendre ses lecteurs pour des ignorants.
En réalité, le Spiritisme aux multiples facettes a tellement d’aspects différents que celui qui l’aborde peut y trouver une résonance à sa propre tournure d’esprit, mais il n’en aura jamais qu’une vue fragmentaire tant qu’il n’en aura pas fait la synthèse et cela ne se fait pas par la simple lecture d’un livre.
Allan Kardec, que beaucoup désignent comme le père du Spiritisme, n’a‐t‐il pas dit dans son discours de 1868 : « Dans le sens philosophique, le Spiritisme est une religion parce que c’est la Doctrine qui fonde les liens de la fraternité et de la communion de pensées, non pas sur une simple convention, mais sur les bases les plus solides : les lois mêmes de la nature. »
Nous précisons, fraternité et communion de pensées non seulement entre les hommes, mais encore entre les habitants du monde matériel, le nôtre, et ceux du monde spirituel, les Esprits ; liens sans contrainte, par la seule force d’amour découlant de la pratique de la charité, de la bonté, de la croyance en un créateur unique, en un Dieu paternel lui‐même Amour.
Nous savons que les sentiments communément partagés, la communion de pensées, l’abnégation, le don de soi se retrouvent dans la plupart des religions. Et cependant, le Spiritisme n’est pas une religion au sens commun du terme, car lorsqu’il est bien compris et bien pratiqué, on n’y trouve pas de prêtres, de hiérarchies sacerdotales, de cultes, de cérémonies, de contraintes d’opinions et tout ce qui s’attache à toutes les religions.
Il n’est pas rare de voir qu’en Angleterre certains spirites se réunissent en chapelles, ont des prêtres, un culte. Cela est possible ; nous ne les critiquerons pas si cela doit les mener à une plus grande pratique de la Charité car, comme l’écrivait Allan Kardec : « Hors la charité, point de salut. »
On peut relever parmi les oeuvres d’Allan Kardec :
— L’évangile selon le Spiritisme,
— La Genèse, les Miracles et les Prédictions selon le Spiritisme,
— Le Ciel et l’Enfer ou la Justice Divine selon le Spiritisme.
On ne peut s’empêcher de remarquer combien l’oeuvre de ce grand précurseur est imprégnée de religiosité ; en réalité, ce n’est qu’une apparence, car ces livres ne sont qu’une mince partie de l’oeuvre d’Allan Kardec, tellement importante et diversifiée que chacun peut y trouver les arguments en faveur de la thèse religieuse, moraliste, scientifique, etc. Les personnes ayant lu sa biographie écrite par Henri Sausse et André Moreil connaissent sa formation scientifique et son don d’observation qui l’ont si bien servi dans son oeuvre synthétique des instructions spirituelles formant la doctrine spirite.
Est‐ce faire preuve d’esprit religieux que d’écrire, dans La Revue Spirite de 1866 (page 299) : « Il n’y a de foi inébranlable que celle qui peut regarder la raison face à face, à tous les âges de l’humanité. Ce principe détruit l’empire de la foi aveugle qui annihile la raison, de l’obéissance passive qui abrutit : il émancipe l’intelligence de l’homme et relève son moral ».
Ou encore dans La Revue Spirite de 1867 (page 278) : « Les découvertes de la science glorifient Dieu au lieu de l’abaisser, elles ne détruisent que ce que les hommes ont bâti sur les idées fausses qu’ils se sont faites de Dieu. »
Mais nous lisons aussi, dans La Revue Spirite de 1861 (page 343) « Le plus beau côté du Spiritisme c’est le côté moral : c’est par ses conséquencesmorales qu’il triomphera, car là est sa force, par là il est invulnérable. Il inscrit sur son drapeau : AMOUR et CHARITÉ et devant ce palladium pluspuissant que celui de Minerve, car il vient du Christ, l’incrédulité elle‐même s’incline. »
Nous voilà donc en présence du Spiritisme moral et Allan Kardec l’écrit encore plus nettement dans La Revue Spirite de 1865 (page 92) : « Le Spiritisme n’est pas seulement dans la croyance à la manifestation des Esprits. Le tort de ceux qui le condamnent est de croire qu’il ne consiste qu’en la production de phénomènes étranges et cela parce que, ne s’étant pas donné la peine de l’étudier, ils n’en voient que la surface. Les phénomènes, loin d’être la partie essentielle du Spiritisme, n’en sont que l’accessoire, un moyen suscité par Dieu pour vaincre l’incrédulité qui envahit la société ; il est surtout dans l’application de ses principes moraux. »
Mais laissons les côtés religieux et moral du Spiritisme pour emprunter à La Revue Spirite d’Allan Kardec, ces lignes qui montrent un tout autre aspect, de l’enseignement spirituel, par la raison, l’observation, l’expérience, la méthodologie scientifique.
Revue Spirite de 1864 (page 101) : « Le premier contrôle est sans contredit celui de la raison, auquel il faut soumettre sans exception, tout ce qui vient des Esprits. »
Revue Spirite de 1865 (page 41) : « Le Spiritisme ne s’écartera pas de la vérité, et n’aura rien à redouter des opinions contradictoires, tant que sa théorie scientifique et sa doctrine morale seront une déduction des faits, scrupuleusement et consciencieusement observés, sans préjugés ni systèmespréconçus. »
Revue Spirite de 1861 (page 347) : « Le Spiritisme est une science immense comme vous le savez et dont l’expérience ne peut s’acquérir qu’avec le temps, en cela comme en toutes choses. »
Nous n’avons pris que quelques citations dans une masse de textes dont Allan Kardec, travailleur infatigable, était prolifique. Nous gardons pour la fin le texte suivant pour sa qualité prophétique, car plus que centenaire, il est d’une tellement grande actualité :
Revue Spirite de 1860 (page 300) : « Il y a trois catégories d’adeptes : les uns qui se bornent à croire à la réalité des manifestations et qui cherchent avant tout les phénomènes : le Spiritisme est simplement pour eux une série de faits plus ou moins intéressants. »
« Les seconds y voient autre chose que les faits ; ils en comprennent la portée philosophique ; ils admirent la morale qui en découle, mais ils ne la pratiquent pas : pour eux, la charité chrétienne est une belle maxime, mais voilà tout. »
« Les troisièmes, enfin, ne se contentent pas d’admirer la morale ; ils la pratiquent et en acceptent toutes les conséquences. Bien convaincus que l’existence terrestre est une épreuve passagère, ils tâchent de mettre à profit ces courts instants pour marcher dans la voie du progrès que leur tracent les Esprits, en s’efforçant de faire le bien et de réprimer leurs mauvais penchants ; leurs relations sont toujours sûres, car leurs convictions les éloignent de toute pensée de mal : la charité est en toute chose la règle de leur conduite, ce sont là les vrais spirites ou mieux les spirites chrétiens. »
Allan Kardec avait remarqué ces trois différentes manières d’aborder le problème spirite. L’éventail des conceptions s’est davantage élargi de nos jours, la troisième catégorie d’adeptes perdant de plus en plus d’importance numérique à l’avantage de la première, pour différentes raisons que nous n’analyserons pas aujourd’hui. Néanmoins, nous insisterons pour faire remarquer que de l’attitude adoptée par le futur adepte spirite dépendront les résultats acquis, dans sa conviction, dans sa certitude en une vie future, dans le bénéfice consolateur d’une doctrine apportant les réponses aux questions qu’il se pose devant l’âpreté de l’existence terrestre, les injustices flagrantes qu’il voit autour de lui.
Cette attitude, nous le savons, n’est pas dictée par la raison. Elle est le résultat des acquisitions de l’âme au cours de nombreuses existences antérieures, ce qui nous permet de dire que chaque individu réagit devant le Spiritisme selon son degré d’avancement spirituel, ce que nous traduisons trivialement par l’expression : « On est mûr ou l’on n’est pas mûr pour entrer dans la troisième catégorie. »
Chaque adepte se faisant du Spiritisme une image correspondant à ses propres convictions, le Spiritisme aura autant de visages qu’il existe de points de vue. Les efforts pour le ramener aux conceptions codifiées par Allan Kardec, lesquelles nous le rappelons découlent des manifestations, messages et instructions des Esprits, sont vains dans grands nombres de cas, car beaucoup n’ont pas la possibilité de transcender leur conception d’un « Spiritisme à l’échelle humaine. »
On entendra dire qu’Allan Kardec est dépassé. Justification a priori d’un raisonnement bien humain. Car il paraît évident que l’humanité, soumise aux lois du progrès, ayant accompli un bond formidable au cours de ces cent dernières années, les théories d’Allan Kardec auraient dû subir le même sort comme si les vérités spirituelles étaient forcément soumises aux mêmes lois de progrès que le monde où nous vivons.
Pour répondre à cette question posée, cédons la parole aux entités spirituelles.
Voici trois communications reçues dans notre groupe. Nous pensons qu’elles ne peuvent qu’élever un débat qui, de nos jours, aurait une fâcheuse tendance à sombrer dans un matérialisme sordide à l’intérieur même du « TEMPLE de la SPIRITUALITÉ ».
PREMIER MESSAGE
(Médium frère G.)
En attendant qu’il me soit permis d’aborder les multiples problèmes que nous sommes appelés à étudier ensemble, il convient, avant toute chose, de situer une fois pour toutes le véritable sens du mot « SPIRITISME » et définir aussi ce que l’on doit entendre par « être spirite ».
Il est une idée, malheureusement très répandue autour de vous, dans votre monde, celle qui consiste à croire qu’être spirite, c’est subir un diminutio capitis, c’est‐à‐dire un amoindrissement, plus qu’un amoindrissement, une sorte d’anéantissement total de sa personnalité. Cela est dû, en grande partie, à la méconnaissance totale de la doctrine et à la confusion qui se crée quant à l’exercice de ses principes.
De là résulte que, dans le langage courant, le terme « SPIRITISME » est tombé si bas, qu’il est arrivé à signifier des expériences à l’aide de divers objets dans un but erroné, poussé par une curiosité morbide à vouloir sonder, pénétrer et même découvrir ce que vulgairement vous appelez : « les mystères de l’au‐delà ».
Cependant, il est certes des réunions sérieuses où le désir de bien faire règne majestueusement et aux destinées desquelles président le recueillement et la concentration de la pensée. Hélas ! Celles‐là sont rares. Les autres aboutissent malgré l’aspect émouvant qui les entoure, à l’insu même des expérimentateurs, aboutissent dis‐je, inéluctablement, à la plaisanterie et à la raillerie.
Et ceux qui combattent le Spiritisme, neuf sur dix pour ne pas dire tous, se le représentent sous cet aspect plaisant et avec ce caractère léger. Et c’est sur quoi ils se basent pour justifier leur éloignement. Et alors comment ne pas être considéré, comment ne pas passer pour fou, quand on s’attache comme vous le faites, avec cette persévérance et cette assiduité continuelles, à lui trouver au contraire motifs de le préconiser, de l’exalter et sinon d’y croire, du moins d’adhérer à ses principes, de pratiquer sa morale et j’irai même très loin, en en faisant un système d’éducation et de discipline morales.
(À cet instant, le médium G. entransé se lève de sa chaise, se tourne vers le public et parle d’une voix forte et en scandant ses mots. Il donne l’impression d’être beaucoup plus grand qu’il ne l’est réellement).
« LA N’EST PAS, MES CHERS FRÈRES, LE VÉRITABLE VISAGE DU
SPIRITISME. »
Mais alors votre rôle que devient‐il ?
Vous, pionniers d’aujourd’hui et apôtres de demain, vous devez vous élever, vous insurger contre ces plaisanteries qui ne sont que des caricatures du Spiritisme. Vous devez énergiquement, publiquement, les repousser comme une atteinte au bon sens.
Vous pourrez alors proclamer bien haut que le Spiritisme, c’est la communion des âmes en Dieu par l’amour et la charité. Le but qu’il poursuit est de conquérir le coeur de nos frères et d’y jeter à pleines mains le germe de
ces sentiments généreux et nobles que sont : la Bonté, la Pitié et le Pardon.
Enfin, être spirite signifie croire réellement, personnellement, du fond de son coeur, en la justice et la bonté divine, c’est‐à‐dire consciemment, raisonnablement, en parfaite connaissance de cause, que Dieu est Notre Père, le père de chacun de nos semblables, de tous nos frères, à quelque race qu’il appartienne.
DEUXIÈME MESSAGE
(Médium frère G.)
Après avoir donné l’autre soir la définition réelle et le but précis de notre doctrine telle qu’il faut la concevoir, je vais essayer ce soir de vous dire en quelques mots pourquoi et comment nous sommes conduits au Spiritisme.
Question hasardeuse, question indiscrète, allez‐vous penser ?
Non pas, chacun de vous un soir, ici même, n’a‐t‐il pas étalé avec de savoureux détails les raisons qui, d’après lui, l’ont amené à adopter notre doctrine.
Alors, vous croyez vraiment que c’est cet étrange enchaînement de faits, ce curieux concours de circonstances que vous relatiez avec tant d’émotions et de sincérité et auxquels chacun de vous, dans sa candeur naïve, a mêlé l’un sa surprise et l’autre sa stupéfaction. Alors, vous croyez que c’est cela ?
Non, mes chers frères, ce n’est pas cela.
Qu’importe votre erreur, vous avez pour vous l’excuse de l’ingénuité. Dans le domaine de l’art, on dit qu’on naît artiste, mais on ne le devient pas. Dans le domaine spirituel, il faut dire ceci : on ne naît pas « spirituel », mais on le devient.
Nous naissons tous avec l’obligation de le devenir un jour ou l’autre. Obligation qui fait partie intégrante de notre être, qui répond non pas à un fait extérieur, mais à un fait intérieur et c’est là le point capital : obligation qui ne trouve son éclosion et son épanouissement que dans un élément essentiel et cet élément est la souffrance.
Oui, c’est la souffrance qui nous conduit et nous fait prendre à nous et à vous, le chemin de la spiritualité.
Du reste, la souffrance, vous le constaterez un jour, a un rôle sublime dans le domaine spirituel.
Sachez donc que tous les frères, en quelque temps qu’ils vivent, en quelque lieu qu’ils se trouvent et quelques rangs qu’ils occupent, maréchaux ou soldats, riches ou pauvres, athlètes ou infirmes, tous sans exception sont mis en demeure explicitement de choisir entre la vie d’égoïsme et la vie de générosité, entre l’indifférence et la bonté, en un mot, entre la vie animale et la vie spirituelle. Et c’est en optant pour la vie spirituelle que l’on entre sainement dans le Spiritisme qui nous mènera un jour aux sources mêmes de la lumière divine.
C’est une loi de Dieu qui s’accomplit.
Tant qu’on ne passe pas par là, tous les gestes que l’on fait, toutes les paroles que l’on peut prononcer ne sont que des signes stériles.
Si cette science des sciences ne se réalise pas dans votre monde, c’est cependant dans votre monde qu’elle s’ébauche, qu’elle se prépare ; c’est dans votre monde qu’on opte pour elle. Et alors comme il s’agit d’une fin commune à atteindre, c’est en communauté que nous devons la poursuivre en y apportant chacun l’obligation de donner ce qu’il a reçu ou ce qu’il a acquis. Et cela est l’application pure et simple de la loi d’entraide mutuelle qui est à la base de la pure, de l’unique et de l’imprescriptible morale qu’est la morale enseignée par le Christ.
Et maintenant, comprendrez‐vous, ô frères de la terre, que c’est de sa mission sublime que le Spiritisme reçoit son véritable caractère, son véritable sens, sa véritable portée. Or, cette mission consiste essentiellement à aimer, à diffuser, à propager la charité divine et l’amour du prochain.
Et quand on vous dira : « mais ce sont des paroles », vous devrez répondre par des actes afin de l’affirmer avec plus de force et d’efficacité parmi vos frères.
Et alors lorsqu’on vous dira :
« Le Spiritisme, mystère de l’Au‐delà »
O vous tous qui m’entendez,
Répondez : NON !
Et quand on vous dira :
« FORCE SPIRITUELLE »
Répondez : OUI.
Que l’amour et la charité guident vos actes, mes chers frères.
TROISIÈME MESSAGE
(Médium frère G.)
Je vous ai dit la dernière fois quel est notre but. Je pense que vous avez compris que ce but n’est pas que les hommes, extérieurement, fassent une chose ou une autre, ou qu’ils disent ceci ou cela, mais c’est croire réellement et personnellement en la charité spirituelle de manière à se faire une ligne de bonté par opposition à une vie d’égoïsme.
Et j’ajouterai à cela que le Spiritisme étend son champ d’action, non seulement durant une seule existence terrestre, mais il recommence et il continue son action bienfaisante à chaque réincarnation, de sorte que sa tâche n’est jamais finie, MILITANTE ici‐bas, TRIOMPHANTE au‐delà.
Il nous reste aujourd’hui à examiner les moyens que le Spiritisme doit employer pour cette tâche et ce qu’il faut pour que cette tâche soit saine et salutaire. Cette tâche, permettez‐moi encore une fois de vous la résumer succinctement.
C’est d’arracher nos frères à la vie animale pour les élever à la vie spirituelle, c’est‐à‐dire, dans le domaine de la Charité et de l’Amour. Au lieu de chercher à nous prendre mutuellement et nous servir les uns les autres, il faut au contraire se donner mutuellement et s’aider les uns les autres, tout en croyant en Dieu et en le servant parce que Dieu le premier s’est intéressé à nous et nous a aidés.
Cette tâche va certainement vous paraître chimérique ; en attendant, nul ne peut contester la beauté de sa conception. Quant à moi, je puis vous affirmer que c’est par elle seule et par rien d’autre que se réalisera le salut de l’humanité. Évidemment, il faut le reconnaître, elle est extrêmement ardue. Il y a des ennemis extérieurs à vaincre. Il y a aussi des difficultés matérielles à surmonter, telles l’oisiveté et la gêne. Mais encore, cela n’est rien. Pour les ennemis extérieurs, on peut opposer la volonté, l’énergie. Aux difficultés matérielles, on peut opposer le courage et la persévérance, mais ce à quoi on ne peut rien opposer, c’est le Coeur, car lui ne peut être conquis malgré lui. Et c’est précisément la conquête de ce Coeur, son perfectionnement, son amélioration, que nous cherchons et c’est à cette tâche que nous vous convions ardemment.
Comment y parvenir ?
Vous comprenez sans peine que des moyens humains ne sauraient réussir, mais au contraire échouer.
Comment admettez‐vous que les actions que vous commettez journellement et avec lesquelles vous satisfaites malgré vous le besoin de vous duper, de vous mentir puissent vous libérer de cette gangue d’imperfections qui vous entoure ?
Mais alors, quels moyens employer ?
Pour ma part, je n’en vois qu’un seul, c’est de révéler à vos frères la bonté par la bonté, la charité par la charité. Et pour cela, il ne suffit pas de le dire par la bouche, si éloquemment qu’on le fasse, il faut le dire en vivant cette bonté, cette charité, en les pratiquant devant tous.
Vous apporterez ainsi à l’obscurité qui les entoure, une lumière qui rendra forte leur croyance en Dieu, en Notre Père et qui leur indiquera la voie du salut en leur montrant comment on y entre et comment on y progresse.
Il faut agir beaucoup.
Tâche ardue, je le dis et je le répète, parce qu’elle exige une attention et une volonté toujours en éveil, qui ne se lassent point et qui travaillent tous les jours.
Faites en sorte que vos occupations journalières, celles avec lesquelles vous accomplissez vos devoirs sociaux, marchent tout simplement, parallèlement à l’accomplissement de vos obligations morales. Il suffit pour cela d’un rien, d’un peu de bonne volonté.
La bonne volonté ?
Il n’est pas une force, il n’est pas une contrainte qui peut l’empêcher de naître et de grandir.
Néanmoins, devant le spectacle de la souffrance humaine, il ne faut pas vous borner à avoir pitié, car une pitié semblable n’est capable de rien. La plupart du temps, elle est impulsive, irréfléchie et elle disparaît sans même laisser de trace. Non, là n’est pas la véritable pitié. La vraie, c’est celle qui appelle des actes, c’est celle qui, d’impulsive et d’irréfléchie, devient réfléchie et voulue. C’est par elle que se manifeste en nous notre fraternité originelle qui a son fondement sur la fraternité divine.
Il ne suffit pas de dire et de proclamer que nous sommes tous des frères, il faut que nous le soyons réellement, effectivement et pour cela, il faut savoir prendre à votre charge ceux qui souffrent, savoir de leurs souffrances en faire les vôtres et, au besoin, leur sacrifier vos propres jouissances matérielles.
La pitié devient alors un devoir dont l’accomplissement servira les desseins de Dieu. C’est elle qui nous donne l’amour de la charité. Ce n’est pas pour cela qu’il faut croire que la charité consiste seulement à laisser tomber sur les multiples souffrances de l’humanité, une pitié superficielle, factice, inspirée le plus souvent par l’horreur, le mépris ou la crainte. Non ! elle consiste essentiellement à nous rappeler qu’il faut toujours se souvenir qu’une âme immortelle, oeuvre de Dieu, soeur de la nôtre, habite le corps le plus déparé, le plus repoussant, comme aussi le corps le plus robuste et le plus sain. Voilà la charité.
Maintenant, montons, montons encore plus haut.
Le rayonnement de la charité est le rayonnement de l’amour. Il faut que vous arriviez à comprendre que, devant la misère d’autrui, il existe une autre attitude que l’indifférence et la dureté. Cette attitude, c’est simplement l’amour, le véritable amour, compatissant et dévoué, l’amour du prochain, l’amour de DIEU. Ces deux sentiments se confondent et ne font qu’un. Le jour où ces deux foyers d’amour s’allieront et fusionneront, sans jamais plus s’éteindre, ce jour‐là l’humanité aura trouvé son salut et le Spiritisme son triomphe.